Stéphane Carrade, chasseur d’étoiles
Après 10 ans d'implication sur la manifestation, le Chef Philippe Etchebest passe le flambeau à ce chef régional doublement étoilé du Skiff Club, restaurant du mythique hôtel H(a)aïtza, à Pyla-sur-Mer (33), un enfant du cru.
Son Sud-Ouest natal, il l’a dans la peau et dans le cœur. Cet amour du terroir a façonné sa cuisine d’auteur, drapée d’une extrême élégance. Chez lui, on célèbre avant tout la noblesse des bons produits. Le frais. Le beau. Le local. En toute simplicité.
Portrait du Chef Stéphane Carrade, un amoureux des choses simples, qui défend, sans concession, une gastronomie « made in terroir ».
De son enfance passée en Gascogne, Stéphane Carrade garde cet accent chantant, empreint de joie de vivre et d’enthousiasme communicatif. Plus qu’un accent, c’est une déclaration d’amour à son terroir, à ses racines occitanes. Né à Bordères-sur-L’échez, près de Tarbes, ce bon vivant a su composer une cuisine d’auteur, mêlant à la fois traditions culinaires et subtiles notes exotiques. Sans doute un clin d’œil à son riche parcours, qui l’a conduit aux quatre coins du monde, de Londres à la Belgique, en passant par la Réunion. Mais c’est ici, dans son Sud-Ouest natal, que Stéphane Carrade s’est pleinement révélé, au travers d’une gastronomie durable et joyeuse.
Grandes tablées et joie de vivre
Cette générosité du cœur, dans la vie comme dans l’assiette, le Chef Stéphane Carrade la cultive depuis toujours. Marqué par la disparition de sa mère à l’âge de 5 ans, le chef a fait du partage sa marque de fabrique. Comme un hommage à sa grand-mère espagnole, et à ces grandes tablées, les dimanches en famille. Entre parties de pétanques, châtaignes grillées et foot dans les prés, Stéphane découvre le goût des choses simples, auprès des siens. « Ma grand-mère passait son temps en cuisine et concoctait des recettes à l’ancienne, avec des produits frais de la ferme, se souvient le chef doublement étoilé. A 6 ans, je savais déjà que je voulais être cuisinier ! »
L’avenir lui donnera raison. Après un CAP puis un BEP cuisine au Lycée hôtelier de Talence, Stéphane Carrade fait ses premières armes à Londres, au Hilton Parklane, pendant 2 ans. Nous sommes en 1988, et l’ancien demie de mêlée, aussi fan de plaquage que de gastronomie, prend sa première claque culinaire. « C’était un concept de bar à cocktails et de cuisine française, asiatique et marocaine. Ça cassait vraiment les codes à l’époque, précise-t-il. On pouvait aussi bien servir un homard thermidor qu’un bœuf Teriyaki… C’est là que j’ai compris que la cuisine était avant tout une histoire d’alchimie. »
Terroir progressif, le crédo du Chef Stéphane Carrade
Vient ensuite l’appel du service militaire. Pas question d’être affecté dans un bureau, le Chef réclame les fourneaux ! Engagé dans l’artillerie de marine, il part à la Réunion comme cuisinier pendant 11 mois. Là-bas, il y rencontre son épouse, apprend le créole, découvre les épices et les saveurs des traditions malbar, chinoise et africaine. Ce melting-pot culinaire l’amène à repenser sa cuisine, qu’il baptise alors « Terroir progressif ». Une expression désormais validée par le guide Michelin !
Tour de France et d’Europe pour le Chef Stéphane Carrade
De retour en France, l’apprenti chef prend ses marques dans un Relais & Châteaux sur la Côte d’Azur. Là, il consolide ses bases, dans la pure tradition Escoffier. Tel un Compagnon du Devoir, il accomplit par la suite son Tour de France culinaire, d’abord à la Ferme Saint Siméon à Honfleur, où il apprend à composer avec ce qu’il y a dans « le frigo » et à écrire ses premières recettes. S’ensuit une petite incursion en Belgique, auprès de Roger Souvereyns, chef doublement étoilé, qui cultivait déjà ses propres légumes, « avec l’incontournable cueillette de céleris-raves en hiver ! » se souvient-il.
Bosseur, la bougeotte en tête, Stéphane Carrade décide finalement de revenir en France. En Ardèche cette fois-ci, où il intègre la brigade d’Éric Sapet en tant que second. Puis à Tours, chez Jean Bardet, 2 étoiles au Michelin. « C’était en 1995 et on fabriquait notre compost à base de déchets organiques. Sans le savoir nous étions engagés déjà dans la gastronomie durable ! » Auprès de son mentor, Stéphane Carrade affûte sa curiosité, s’ouvre à la culture et se forge une vraie identité culinaire. Celle d’une cuisine qui anoblit le terroir avec simplicité et raffinement.
Pas un sou… mais des idées !
Mu par l’expérience et la maturité, l’éternel globe-trotteur décide finalement de poser ses marmites et ouvre son propre restaurant, en 1998. Comme une évidence, il revient dans son fief, à Jurançon dans le Béarn. Il rachète alors Chez Ruffet, une ancienne institution paloise qui a jadis connu ses heures de gloire. « A vrai dire, je n’avais pas un sou en poche… mais j’avais des idées ! Trois ans après l’ouverture, je décrochais un premier macaron Michelin ! » Pour ce chasseur d’étoiles, pas de recette miracle : la régularité dans la durée et dans les menus est une condition sine qua non pour espérer décrocher le Graal. « On ne peut pas se permettre d’être bon un jour et médiocre le lendemain. Et, sur la carte, tout doit valoir une étoile : le service, le pain, le vin… Il faut sans cesse garder ce souci du détail, être toujours en quête d’excellence. »
En quête d’excellence, mais aussi de créativité… Car si Ruffet s’est fait connaître pour la noblesse de ses plats, le restaurant était également prisé pour l’originalité de son service. Pour la petite histoire, c’est le Chef Stéphane Carrade, himself (lui-même), qui a lancé la mode du dressage sur des assiettes en ardoise ! « A l’époque, nous n’avions pas de beurrier… Un jour, j’ai ramassé une tuile en ardoise et j’ai eu l’idée d’y présenter le beurre. Par la suite, je servais mes plats sur de grandes assiettes de présentation, avec deux craies : les invités écrivaient des petits mots dessus ! C’est devenu ma marque de fabrique. »
De ces années bénies, le chef en garde de merveilleux souvenirs, tout en reconnaissant avec honnêteté, la pression et les sacrifices que le métier exige pour tutoyer les étoiles.
Après 10 ans de bons et savoureux services, il finit par quitter son établissement pour rejoindre en 2009, La Guérinière à Gujan Mestras, où il conforte l'étoile Michelin. Ce nouveau terrain de jeu culinaire lui rappelle ses souvenirs d’enfance sur le Bassin d’Arcachon où il venait passer ses vacances, au Moulleau. Un bref passage l’amène ensuite au Grand Hôtel à Bordeaux, avant que Sophie et William Téchoueyres, patrons de La Co(o)rniche et de l’hôtel Ha(a)ïtza au Pyla, ne le rappellent pour lui confier les rênes du Skiff Club. Un nouveau défi qu’il relève avec succès en décrochant une première étoile en 2017 – 6 mois à peine après l’ouverture - puis une deuxième, 3 ans plus tard !
Une ode au terroir voyageur
A l’intérieur du Skiff Club, l’ambiance est distinguée, sans être ostentatoire. La décoration, signée Starck, reflète la cuisine du chef, empreinte de délicatesse, d’authenticité et de souvenirs de voyages rapportés dans ses valises. A la tête d’une brigade d’une vingtaine de personnes, Stéphane Carrade y décline son terroir avec luxe, élégance et volupté. Comme sa « Palombe rôtie sur l’os, flambée à l’Armagnac, avec des coings confits », son plat signature. Ou encore les seiches, calamars et encornets, avec lesquels il crée de jolis exercices de style. Cette philosophie de la simplicité se marie joyeusement avec ses souvenirs de voyages. Ici du gingembre mangue, là un chutney d’ananas Victoria, sublimant « La poularde de Pierre Duplantier, cuisse confite à peau croustillante ». Toujours, ce petit grain de folie qui fait basculer un plat traditionnel en une gastronomie haute couture.
Une ode au terroir voyageur, pour décrocher -qui sait ? – une troisième étoile pour le Chef Stéphane Carrade ?
Le Chef Stéphane Carrade a également décroché une Etoile Verte pour sa gastronomie durable.
Sublimant les produits locaux, au rythme des saisons, sa cuisine d’auteur s’inscrit dans une démarche responsable teintée de saveurs du terroir et de bon sens paysan.